Jules Lesbegueris
Sérigraphies et lithographies à retrouver sur : https://maison-contemporain.com/artiste/lesbegueris-jules/
DU PALÉOCÈNE À L'ANTHROPOCÈNE - PROMENADE SUR LE FIL D'ARIANE
(ORO)GÉNÈSE D'UNE ARCHITECTURE SUR LE LITTORAL DU PAYS BASQUE ESPAGNOL
P10 - PFE
Atelier : Transition(s)
Enseignants encadrants : Thierry Mandoul et Robert Le Roy
Site de projet : littoral de la province basque du Guipuzcoa, Espagne
L’ANTHROPOCÈNE
Époque de l’histoire de la Terre qui a été proposée pour caractériser l’ensemble des événements géologiques qui se sont produits depuis que les activités humaines ont une incidence globale significative sur l’écosystème terrestre.
AAAAAPaul Crutzen, météorologue et chimiste de l’atmosphère, est le premier, au début des années 2000, à employer et populariser ce terme qui signifie « l’Ère de l’humain ».
AVANT-PROPOS
Avant d’intégrer l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Malaquais, j’ai passé mon diplôme aux Beaux-Arts de Paris au sein de l’atelier de Tadashi Kawamata. Ce diplôme s’intéressait aux flyschs qui se trouvent sur les plages de Zumaia (Espagne, Guipuzcoa). Le flysch est un dépôt sédimentaire détritique constitué par une alternance de grès et de marnes accumulés dans un bassin océanique en cours de fermeture, dans le cadre d’une orogenèse – étapes menant à la formation des montagnes. Ces flyschs sont alors passés d’une position horizontale à une position verticale ou pliée.
Dans ce DNSAP (diplôme national supérieur d’arts plastiques), loin des Pyrénées m’était venu le besoin de recomposer, au coeur de la ville, un environnement calme, géomorphique, mais également culturel. Plusieurs niveaux de lectures se déployaient alors dans l’espace de l’atelier Kawamata, comme ceux que l’on peut lire sur un paysage où se superposent une histoire géologique plurimillénaire, une histoire humaine ayant laissé sa visible empreinte, et une histoire locale peut-être moins sensible mais diffusant partout, de façon mystérieuse et puissante, l’esprit du lieu.
À l’aire de l’Anthropocène, en art comme en architecture, il m’apparaît crucial de mettre en lumière l’unicité et la fragilité des milieux rencontrés tout du long de cette côte basque espagnole, menacés directement et indirectement par l’Homme.
Comme l’explique Alain Freytet dans son intervention « La beauté du paysage par la sobriété du projet » lors de la conférence Expérience(s) de paysage, l’homme n’est pas « l’ennemi » ou devrait ne pas se mélanger avec ces milieux ; il en fait au contraire partie mais se doit de les arpenter de manière respectueuse ; que son passage ne laisse comme empreinte qu’un chemin de marche comme pourraient en laisser les moutons ou les pottoks (race de poneys vivant principalement à l’ouest du Pays basque, dans les Pyrénées).
Bien d’autres formations géologiques sont à découvrir le long de cette marche. Toutes nous rappellent à la modestie, nous montrant à quel point nous ne sommes que de passage sur ces terres dont l’histoire se compte en million d’années, échelle de temps qui nous dépasse totalement. Elles nous remettent à notre place et nous sensibilisent à tous ces milieux que nous foulons.
CARTE LOMBARDIENNE
Liens et contexte
Afin de clarifier mon approche de ces sites et de leur complexité dans le temps mais aussi dans ses problématiques, j’ai dressé un schéma démêlant tous ces aspects. Je me suis inspiré pour cela des œuvres de Mark Lombardi (1951-2000), artiste contemporain américain qui s’était appliqué à exposer au grand jour les réseaux relationnels complexes – et bien souvent suspects – des industriels, financiers et personnalités politiques. Cette simple compilation d’informations, qui par ailleurs étaient toutes accessibles, rendit ces liens si clairs qu’elle mit dans la gêne certaines grandes familles de ce monde et valut à l’artiste une perquisition du FBI.
« Flyschs »,
Zumaia kostaldeko bidea (Route côtière de Zumaia en basque) - Parc national, Guipuscoa,
Photo personnelle,
2022
« Pirenaica »,
Vaches de la race Pirenaica, originaire du Sud du pays-basque,
Igeldo, Guipuscoa,
Photo personnelle,
2022
INTRODUCTION
DU PALÉOCÈNE À L'ANTHROPOCÈNE – PROMENADE SUR LE FIL D'ARIANE (1)
(ORO)GÉNÈSE D'UNE ARCHITECTURE SUR LE LITTORAL DU PAYS BASQUE ESPAGNOL
De la ville de Hendaye, sur la frontière franco-espagnole, à celle de Deba, dans la province basque espagnole du Guipúzcoa, se présente à nous une géo-diversité unique au monde. Parcourir ces 60 kilomètres de côte, c’est remonter le fil des 60 derniers millions d’années.
On peut lire cette histoire à Zumaia dans les flyschs qui s’y trouvent, ces strates sédimentaires accumulées au fond des océans et finalement arrachées aux profondeurs marines par le jeu des forces tectoniques lors de l’orogénèse (2) des Pyrénées. Quatre autres précieux sites de cette espèce existent ailleurs dans le monde, réservés aux scientifiques et géologues de profession ; seul celui de cette côte est accessible au public.
On peut aussi trouver aux pieds des Monts du Jaizkibel, à proximité de la frontière française, les paramoudras, ou « poires de mer », formations organiques sphériques transformées en roche plus dense que le grès, se trouvant donc libérées de la roche après l’action de l’érosion. Leur nombre et leur état de conservation au Jaizkibel reste inégalé. Des ichnofossiles, traces résultant de l’activité d’organismes vivants, sont également présents tout du long de cette côte, tout comme les étonnantes traces d’érosions alvéolaires de grès toujours plus variées les unes que les autres.
Ce trésor géologique, sur lequel s’est par ailleurs développé au fil du temps une richesse de faune et flore, est malheureusement menacé directement et indirectement par l’Homme.
Directement, au travers de divers projets qualifiés « d’écocidaires » par la presse, les associations et la population locale. Parmi eux figurent le chantier aujourd’hui abandonné du « super port » de Pasaia, qui devait être implanté le long de la côte d’Azarabatza au Jaizkibel, à l’Est de l’entrée actuelle du port (3) . Il y a aussi eu le chantier d’une centrale nucléaire plus loin à l’Ouest, à Lemoiz, près de Bilbao, stoppé net après le meurtre glaçant de son futur directeur par l’organisation terroriste Euskadi Ta Askatasuna (ETA).
Indirectement, par les effets croissants du réchauffement climatique, l’érosion étant un phénomène réactivé par la montée des eaux, participant donc à la détérioration des côtes littorales (4).
À l’aire de l’Anthropocène (5), il est important de participer à un éveil plus fort de la conscience individuelle et collective autour de l’unicité de ces différents sites géologiques, faunistiques et floristiques, richesses intemporelles qui appartiennent au monde et à tous les basques, viscéralement attachés à leur terre. Un projet répondant à cette problématique serait en contradiction avec l’idée de poser un absurde bunker, qui viendrait densifier des villes portuaires espagnoles qui le sont déjà bien assez et ainsi réduire toujours plus les surfaces et les ressources naturelles.
Un parcours pédagogique le long du chemin de Compostelle, existant déjà sur cette côte depuis des centenaires, serait plus adapté. Ce parcours serait ponctué de projets légers voire éphémères, démontables, rénovables, effacés dans le paysage comme le sont les temples japonais, le musée d’Allmannajuvet de Peter Zumthor ou encore les tours et belvédères de Tadashi Kawamata que j’avais eu la chance, pour l’une d’entre elles, de construire avec lui. Ces projets interpelleraient, en des points clefs des divers sentiers de randonnée et du chemin de Saint-Jacques de Compostelle, les pèlerins et les visiteurs sur la richesse des sites qu’ils traversent.
Il y a également dans de nombreux petits ports basques espagnols, et plus notamment à Getaria, les vestiges de bâtiments portuaires d’une pêche autrefois prolifique. Ces vastes bâtiments abandonnés n’ont pas trouvé d’usage depuis des années malgré leur situation centrale et privilégiée, donnant directement sur le port de Getaria. Ces bâtiments pourraient être réhabilités et constituer une des étapes avant la fin de cette randonnée géo-temporelle aux Flyschs de Zumaia.
Il pourrait accueillir un centre de formation de guides portant sur les différents sites géologiques et écosystèmes marins et terrestres, et intégrer un espace d’interprétation. De ce fait, il participerait à l’économie locale sur le long terme et profiterait de la petite manne touristique déjà amenée ici, entre autres, par la gastronomie traditionnelle et le Musée Cristóbal Balenciaga. Le bâtiment portuaire qui nous intéresse fait aussi office de passage entre le cœur historique du village et la presqu’île du « Dos du rat », lieu vers lequel les getariars et visiteurs vont très souvent se promener.
1 Dans la mythologie grecque, Minos, roi de Crète, devait faire une offrande de sept jeunes garçons et de sept jeunes filles au Minotaure enfermé dans le labyrinthe, et ce, tous les 9 ans. Ariane, la fille du roi, confia à Thésée – dont elle était amoureuse –, une pelote de fil qu’il devrait dérouler pour pouvoir trouver le chemin du retour. Grâce à ce fil, Thésée put tuer le monstre et retrouver son chemin. Aujourd’hui, un « fil d’Ariane » est une ligne directrice, une conduite à tenir pour atteindre un objectif
2 Étapes menant à la formation des montagnes
3 Lien de l’article du journal « Sud-Ouest » sur le « super port » de Pasaia : https://www.sudouest.fr/2010/12/30/le-super-port-de-pasajes-un-projet-ecocidaire-278737-4171.php?nic
4 Lien de l’article du journal « Sud-Ouest » sur l’érosion du littoral basque : https://www.sudouest.fr/pyrenees-atlantiques/urrugne/la-corniche-basque-le-sentier-provisoirement-ferme-la-route-condamnee-a-terme-3505300.php
5 « Il faut ajouter un nouvel âge à nos échelles stratigraphiques pour signaler que l’Homme, en tant qu’espèce, est devenu une force d’ampleur tellurique. Après le Pléistocène, qui a ouvert sur le Quaternaire il y a 2,5 millions d’années, et l’Holocène, qui a débuté il y a 11 500 ans, « il semble approprié de nommer Anthropocène l’époque géologique présente, dominée à de nombreux titres par l’action humaine », Paul Crutzen (1933 - 2021), Anthropocène – La Terre, l’histoire et nous, Éditions du Seuil, 2013
Zumaia
Getaria
Pasaia
Jaizkibel
CARTOGRAPHIE DU TERRITOIRE
Repérage et description des sites géologiques remarquables et uniques.
Carte personnelle représentant la côte basque espagnole du Guipuzcoa avec repérage de sa géo-diversité unique au monde par une marche sur 3 jours de Deba jusqu'à Hondarribia
FAUNE ET FLORE
Repérage et description de la biodiversité marine et terrestre
Carte personnelle des espaces forestiers, de sylviculture, des parcs et jardin, crayon de couleur, échelle graphique - 2022
1 - LE FLYSCH GRÉSEUX
Les grès sont formés de grains de quartz relativement bien arrondis, unis entre eux par du carbonate de calcium. Les grès s’organisent en strates de différentes épaisseurs. Certaines couches mesurent quelques centimètres d’épaisseur alors que d’autres peuvent aller jusqu’à des dizaines de mètres. Entre les couches de grès on retrouve fréquemment des niveaux d’un matériel plus mou, appelé marne, configurant une structure connue comme flysch.
Ce terme ne fait pas allusion à l’origine des roches mais à leur configuration d’alternance plus ou moins régulière entre deux types de roches. Ces formations sont aussi connues sous le nom de « flysch gréseux ».
Ces couches sédimentaires, accumulées durant des millions d’années au fond des océans, se sont retrouvés en position verticale après l’orogénèse des Pyrénées. Les forces tectoniques les ayant compressées et remontées en surface.
4 - GRÉS TURBITIQUES
Il est fréquent que les structures montrent la circulation de l’eau à travers le sédiment qui s’est produite après son dépôt. L’empilement continu des matériaux exerce une pression grandissante sur les strates précédentes, de telle sorte que l’eau est expulsée vers le haut à travers les espaces intergranulaires. Pendant l’ascension à travers la couche, l’eau déforme la texture originelle des sables et produit des structures en assiettes (dish) et des conduits d’échappement verticaux (pillar). À la surface de la couche de véritables cheminées peuvent se former, ainsi que des volcans d’où l’eau s’échappe.
Dans de nombreuses strates, il est possible de reconnaître, complètement ou partiellement, une suite nommée Séquence de Bouma. Elle commence avec une base irrégulière remplie de sables de grains grossiers dont la taille se réduit graduellement. Cette séquence est caractéristique des courants de turbidité, des écoulements acqueux très énergétiques transportant une grande quantité de matériaux et érodant le substrat précédent. À cause de la perte de vitesse et d’énergie de ces écoulements sous-marins, ces matérieux se déposent graduellement (d’abord les plus lourds puis les plus légers) générant ainsi différentes structures de courants.
2 - LES PARAMOUDRAS - STRUCTURES ÉNIGMATIQUES
Dans les grès du jaizkibel a été découverte la plus grande et la plus dense accumulation mondiale de ces curieuses structures appelées paramoudras. Il s’agit de formes sphériques ou arrondies se développant verticalement sur 2 ou 3 mètres et pouvant atteindre8 mètres de dévellopement horizontal. Ces éléments sont toujours traversés par un petit canal d’environ 5 mm de diamètre, dans lequel on peut parfois trouver une structure mineure que l’on a appelée spicule. Ces masses se distinguent tout à fait clairement sur les strates de grès du fait qu’elles sont plus résistantes à l’érosion que la roche environnante.
Selon une hypothèse sur l’origine des paramoudras, un groupe d’invertébrés aurait creusé des galeries dans le fond marin pendant la sédimentation. Ces perforations agiraient comme des canaux pendant la transformation de la sédimentation en roche (diagénèse), permettant la circulation des écoulements aqueux riches en silice (à cause de la dissolution des grains de quartz). Cette silice se précipiterait progressivement dans la périphérie des canaux, formant des concrétions ou nodules massifs de silice qui finiraient par envelopper les canalicule central.
5 - LES ÉROSIONS ALVÉOLAIRES - MODELAGE DU PAYSAGE
La haute solubilité du carbonate de calcium cimentant les grains de grès, fait qu’ils sont facilement érodés par l’eau de pluie et l’humide brise marine. Le résultat est un processus de désintégration de la roche en grain de sable détachés. Par conséquence, les bancs de grès jadis massifs montrent des cavités là où l’érosion par les agents atmosphériques et les embruns à été la plus intense, donnant forme à des textures caractéristiques de grande beauté appelées géoformes.8
Ces géoformes se retrouvent régulièrement tout du long de la côte, de Deba à Hondarribia.
3 - 150.000 ANS DE PRÉSENCE HUMAINE
Bien que les matériaux récupérés concernent quasiment toute la Préhistoire depuis plus de 150.000 ans, les principales découvertes se rapportent à la période finale du Paléolithique supérieur, du Mésolithique et du début du Néolithique (auxquels appartiennent aussi certains monuments mégalithiques du gisement du Jaizkibel).
Sous l’abri sous roche J3 (au Jaizkibel), partiellement fouillé en 2003, a été trouvé le corps d’un pêcheur d’environ 8000 ans, enterré dans un dépot de coquilles formé par les restes de patelles que ces premiers habitants du Jaizkibel consommaient.
Le dessin représente le dolmen du Jaizkibel (Aranzadi).
6 - LES ICHNOFOSSILES
Traces d’activité des organismes appelées « ichnofossiles » ; ils indiquent qu’il devait s’agir d’un fond marin très profond.
« On appelle ichnofossiles ces traces, résultant de l’activité d’animaux, qui ont été conservées dans la roche sédimentaire. Il peut s’agir de pistes, de traînées, de terriers, de grattages...
Les ichnologues, spécialistes de ces fossiles, donnent des noms aux ichnofossiles. Mais comme on peut difficilement savoir quel est l’animal qui a laissé telle ou telle trace, ces noms ne renvoient pas au nom de l’espèce responsable. Cette nomenclature est arbitraire car un même animal peut très bien laisser des traces différentes, tout comme des traces semblables peuvent être l’oeuvre d’animaux distincts. »9
Si ces traces donnent peu d’information sur l’aspect des êtres qui les ont laissées, elles permettent pourtant de bien connaître leur comportement. Les traces trouvées, attribuables au déplacement, à l’alimentation ou au repos, sont toujours localisées à la surface du sédiment, indiquant ainsi qu’il devait s’agir d’un fond marin très profond. Les invertébrés qui sont à leur origine, ont crée de curieuses pistes répondant à des schémas concrets d’activité biologique.
1/2/3/4/5/6 : Dessins personnels - Définitions extraites du livre de José Manuel Cortizo, JAIZKIBEL Amahari, 2013
SITES ET PROJETS
1 - LES PARAMOUDRAS DU JAIZKIBEL
Tout comme le Parc Naturel des Monts d’Ardèche sur lequel Gilles Clément était intervenu, celui du Jaizkibel est à la fois rude et d’une grande beauté. La plus occidentale des montagnes de la chaîne des Pyrénées, dont le nom signifie en basque « derrière le rocher », est trop abrupte pour l’agriculture, bien que certains paysans y fassent pâturer quelques pottoks, moutons et vaches. Elle est surtout traversée par les pèlerins, randonneurs, pêcheurs et chasseurs de gibier.
C’est sur la côte de cette montagne que se trouve un site tout aussi unique que celui des flyschs à Zumaia : le site des paramoudras. Ces formations rocheuses sphériques, dont on ignore l’origine exacte, pourraient être dues à des éponges marines fossilisées, ou encore à d’anciennes cheminées de gaz ou de liquide. L’explication la plus généralement admise est cependant qu’il s’agirait d’une concrétion formée à partir du terrier d’un animal fouisseur, probablement un ver marin inconnu.
Les Pyrénées sont marquées par les chemins que les hommes ont empruntés des centenaires durant. Le long de ces chemins se trouvent les cairns, amas de pierres destinés à marquer un lieu ou à servir de repère pour baliser le bon chemin. Une architecture en lien avec les Paramoudras constituerait un repère, tels que le sont les cairns disséminés le long des sentiers de grande randonnée (GR10 etc.), faisant un lien entre les montagnes et l’océan, marquant ce lieu unique et indiquant le début d’un nouveau périple vers le chemin de Compostelle le long de la côte basque espagnole. Ce cairn, de la taille d’une hutte, pourrait également abriter les marcheurs par temps de grand vent ou de pluie.
PLAN MASSE - 1/500e
MAQUETTES DE SITE - 1/5000e ET 1/500e
PLAN TOITURE PIERRE SÈCHE - 1/200e
PLAN RDC - PIERRES DE LAUZES AU SOL - 1/200e
COUPE BB’ - 1/100e
MAQUETTE DE PROJET - 1/50e
COUPE AA’ - 1/100e
PERSPECTIVE INTÉRIEURE
Photos personnelles (1&4) - Photo 2 cairn refuge Wallon - photo 3 extraite du site : http://encoreheureux.org/projets/super-cayrou/ (encore heureux architectes)
SITES ET PROJETS
2 - L'AQUEDUC DE PASAIA
Techniquement, un pont est simplement un ouvrage de franchissement permettant d’aller d’une rive à une autre, d’un relief à un autre. L’aqueduc reliant Pasaia à Sebastián permettait d’acheminer, comme son nom l’indique, de l’eau. Aujourd’hui abandonné, il fait face au golfe de Biscaye et nous extirpe de l’épaisse forêt environnante pour nous offrir une vue dégagée sur le paysage marin. L’emprunter permettrait d’ajouter encore à la multiplicité des expériences de ce parcours.
Transformé en passerelle piétonne, il pourrait être repensé comme un espace public, un lieu partagé. On ne le franchirait non pas simplement pour passer d’un relief à un autre, mais surtout pour s’arrêter devant une vue saisissante et profiter de ses amis, et pourquoi pas commenter avec eux les entrées et les sorties des cargos du port de Pasaia – seizième port le plus actif d’Espagne –, comme le font les anciens plus bas dans le village.
Le pont a aussi une valeur symbolique très forte : il « crée du lien social », ne revêt pas ici l’image du pont pensé comme un mal nécessaire mais comme une structure positive.
Cet aqueduc se situe sur le Mont Ulia, qui autrefois constituait un point d’observation des cétacés : des guetteurs avertissaient les baleiniers de Pasaia et de San Sebastián, en allumant un grand feu, du passage de ces proies lucratives. Le guetteur est aujourd’hui d’un genre nouveau, il cherche l’agrément d’une jolie vue. Mais un panneau pourrait également expliquer aux visiteurs que ce que l’on ne voit plus a autant d’intérêt que ce que l’on voit : plus de baleines à bec de Cuvier, de baleines de Minke, de cachalots ou de rorquals ; voici une vue sur des disparitions.
PLAN MASSE - 1/500e
MAQUETTES DE SITE - 1/5000e ET 1/500e
PLAN TOITURE ET RDC - 1/100e
COUPE BB’ - 1/100e
COUPE AA’ - 1/50e
MAQUETTE DE PROJET - 1/50e
PERSPECTIVE INTÉRIEURE
Photo 1 extraite du livre jaizkibel amaharri - photo 2 personnelle - Photo 3 cairn de Gildas Hémon - photo 4 extraite du livre chillida, Octavio paz (maeght)
SITES ET PROJETS
3 - LE HANGAR DE PÊCHE DE GETARIA
Cet édifice des années 1910 accueillait autrefois les ventes à la criée et les bureaux administratifs du port. Malgré un emplacement privilégié, donnant sur le port si vivant de Getaria, il est abandonné depuis environ vingt ans. Il fait le lien entre la montagne San Anton dite « du dos du rat » et le cœur historique de la petite ville.
Plutôt que de construire à neuf, il est plus judicieux ici de réhabiliter ce bâtiment en bon état. Cela s’inscrit dans une démarche écologique et économique : mieux vaut réinvestir ce qui existe déjà, et une réhabilitation engendrera des frais bien inférieurs à une construction à neuf, le projet restant ainsi en adéquation avec le budget municipal.
Point central de nos quatre sites, l’édifice remplira plusieurs fonctions. Un espace muséal profitera des beaux espaces bâtis pour traiter des sujets évoqués : géo-diversité, flore et faune de cette côte. Une auberge pourra accueillir jusqu’à 100 lits pour répondre à l’afflux des 60.000 pèlerins annuels et au besoin d’un refuge à moitié de ce parcours de 72 kilomètres.
À long terme, ce projet contribuerait à l’économie locale, complétant les propositions culturelles de la ville et lui donnant un point vivant supplémentaire, dans un lieu qui s’y prête beaucoup. Les touristes et pèlerins pourront assister ici au va et viens des bateaux de pêche et aux traînières venant s’entraîner là. Sise sur le tracé des Chemins de Compostelle et premier point de halte après les Pyrénées, cette ville attirera plus facilement les pèlerins que dans les autres villages de cette portion de côte, souvent moins bien desservis et moins animés. Le prix de la nuit, toujours bas dans les refuges de pèlerins, finira de les convaincre.
L’aspect extérieur de l’édifice sera plus ouvert que l’existant afin d’y faire entrer plus de lumière naturelle. La couverture du bâtiment, aménagée en toiture végétalisée, permettra aux pèlerins de s’installer sur le toit pour profiter d’une vue surplombant le port, San Anton et l’église avec les restaurants à ses pieds. Ils pourront s’y détendre, par exemple pendant que leur linge est à la laverie au premier étage. Ils pourront également profiter du bar/restaurant du rez-de-chaussée – placé dans la partie auberge – ouvert matin, midi et soir.
Dans le musée, nous trouverions un espace de projection de documentaires convertible en espace de conférences, un espace d’expositions temporaires pour les artistes locaux ou ceux traitant des thématiques du parcours – géologie, faune, flore –, et une médiathèque au R+1 dédiée à la géologie. Cette dernière se voudrait un lieu de référence dans le domaine à force de développement et d’acquisitions d’ouvrages. Les normes incendies sont respectées, chaque sortie du bâtiment étant à moins de 25 mètres.
PLAN MASSE - 1/500e
MAQUETTES DE SITE - 1/5000e ET 1/500e
PERSPECTIVES EXTÉRIEURES
Photos personnelles
Photos personnelles
SITES ET PROJETS
4 - LES FLYSCHS DE ZUMAIA
Une étude de l’agence d’architecture et d’urbanisme TVK exprimait qu’« il existe un paradoxe frappant dans le fait que ce que l’on nomme ‘‘architecture’’ désigne communément le monde des édifices en excluant celui des sols. » « L’architecture » sépare ces deux mondes et décrit le sol comme n’étant qu’une pellicule.
Sur ce site, confronté à des flyschs vieux de 65 millions d’années, il semble capital de rendre au sol son épaisseur historique, d’appréhender sa richesse. Le sol est devenu rare et représente aujourd’hui une source finie, un terrain de tension et de convoitise. Une surface tellurique joue le point de rencontre fondamental entre le sol et l’architecture.
Ce qui m’intéresse ici est que « le sol est par excellence une architecture inachevée », appelée à s’adapter et à se transformer ; en ce sens, le sol est sûrement ce qui permettra à l’architecture de renouveler son propre rapport au temps.
À l’aire de l’Anthropocène, le sol représente aussi un bien commun, une partie de la planète que nous partageons. Il constitue une épaisseur écologique essentielle dans la crise que nous traversons.
Par hommage respectueux et par écho esthétique aux chemins empierrés de l’époque romaine, aux chemins de Compostelle façonnés au Moyen Âge et aux flyschs, le pavage des lieux pourrait reprendre une forme sinueuse, comme soumis lui aussi aux mouvements tectoniques qui ont sculpté le paysage alentour, invitant le marcheur à faire une pause et à se questionner sur cette étape de la randonnée.
PLAN MASSE - 1/500e
MAQUETTES DE SITE - 1/5000e ET 1/500e
PLAN TOITURE ET RDC - 1/100e
COUPE BB’ - 1/100e
COUPE AA’ - 1/50e
MAQUETTE DE PROJET - 1/50e
PERSPECTIVE INTÉRIEURE
Photos personnelles
CONCLUSION
Au cours de mes études, aux sein de mes deux cursus aux Beaux-arts de Paris dans l’atelier de Tadashi Kawamata puis dans cette formation en architecture à Paris-Malaquais, j’ai eu l’occasion d’explorer la définition même de l’architecture et de me questionner sur les limites de cette définition - même si cette approche ne sera jamais aboutie, tout comme l’on ne saurait figer un projet d’architecture dans une conception définitive : il pourra toujours être amélioré ou évoluer dans le temps, pour s’adapter à d’éventuels nouveaux usages. Ces deux cursus m’auront aussi permis de confronter la conception architecturale et l’installation éphémère, de m’obliger à me plonger le plus loin possible dans un rapport primordial au contexte du lieu, qu’il soit historique, culturel, géologique, ou matériel.
Cette exploration, je l’ai menée au pays basque, sur les terres de mon enfance et de tant de mes ancêtres. Mon diplôme aux Beaux-arts portait déjà sur les flyschs de Zumaia, mais seulement sur leur esthétique. La géologie étant un domaine qui m’a toujours attiré, j’ai découvert au fil des années succédant mon diplôme d’autres formations tout aussi précieuses que celles des flyschs. Ces découvertes ont posé les bases de mon projet, gravitant autour de cette géo-diversité, portant un certain nombre d’interrogations au fil de l’année sur la nature, sur ses rapports avec l’homme, cordiaux ou brutaux. Quelle approche architecturale adopter à l’heure de la prise de conscience du désastre de l’ère de l’Anthropocène ? C’est la question centrale de ce PFE.
La côte basque espagnole est un territoire marquant, interrogé par de nombreux artistes et géologues. J’ai voulu à mon tour l’arpenter plus encore et d’une nouvelle manière. Nombreuses ont été les incursions familiales en pays basque espagnol pour des motifs culturels, gastronomiques et sportifs, mais il fallait cette fois que je l’arpente et que je le connaisse par le corps, à savoir par la marche le long de ce qui constitue ce fameux fil d’Ariane : le chemin de Compostelle. C’est cette marche de trois jours et les arpentages plus courts précédents qui m’ont permis de déterminer certains lieux pouvant donner naissance à des projets pour « penser le futur. »
Chacun des quatre sites du projet a été choisi en fonction d’une situation. Deux sont en lien direct avec les formations géologiques uniques que sont les flyschs et les paramoudras, deux autres sont en lien avec ce qu’a laissé l’homme derrière lui : ici un aqueduc et un bâtiment portuaire abandonnés depuis des dizaines d’années.
Enfin, j’ai abordé modestement au travers de ces projets des questions aux portées universelles et existentielles, celle de notre place et de l’empreinte laissée par notre passage éclair sur cette terre et celle de la préservation de la nature. Questions que chacun, à l’aire de l’Anthropocène, doit se poser, sur lesquelles il faut échanger et se pencher ensemble. Elles ne répondent pas aux priorités palpables du quotidien mais se posent de manière différente et touchent à des réalités plus profondes, presque philosophiques, qui se prolongent dans le long terme et répondent aux priorités de demain. La marche offre ce temps de réflexion et de quiétude, mon balisage architectural nous en donne, je l’espère, certaines clefs.
REMERCIEMENTS
Mes remerciements à mes directeurs d’études Thierry Mandoul et Robert Le Roy pour leurs conseils avisés, leur bienveillance et leur pédagogie qui nous donne l’envie d’aller toujours plus loin dans le travail et la réflexion du projet. Merci également à Mehdi Zannad pour la richesse des références artistiques qu’il m’aura proposée.
Merci également aux différents acteurs des villes et villages côtiers basques espagnols pour leur contribution, particulièrement à la ville de Zumaia.
Merci également à mon frère et mes parents pour leur soutient, et aux fidèles compagnons de travail - Clotilde, Charlotte, Olivier, Roman et Romane, Léa et Mathilde de la mezzanine du bâtiment Callot (« Callot 3 ») sans qui les journées de travail auraient été moins joyeuses.
De gauche à droite :
- Photo personnelle de mon grand-frère Gaspard Lesbegueris assis sur les flyschs de Zumaia
- Photo personnelle de mes parents sur la route des flyschs
- Photo personnelle, vue du Jaizkibel, Pasaia - Guipuscoa - Janvier 2022
- Photo personnelle, vue des Pyrénées depuis la digue de Zumaia - Guipuscoa - Novembre 2021